EN IMAGES. La cathédrale de Rennes, un chantier infini à l’échelle d’une vie
Pascal Simon
Des chapelles sont en cours de restauration à la cathédrale Saint-Pierre de Rennes. La sacristie nord accueillera la future exposition permanente du trésor de la cathédrale. Quatre statues monumentales créées en Italie par le sculpteur Laurent Esquerré orneront aussi la coupole du transept, en fin d’année. Enfin, splendide retable flamand du XVIe siècle sera à nouveau installé dans la cathédrale de Rennes dans quelques mois après deux ans de restauration à Vesoul.
La première dans le bas-côté sud, au niveau du transept, la deuxième juste en face de l’autre côté de la nef principale, et la troisième plus discrète dans le déambulatoire du chevet. Cet été, trois chapelles de la cathédrale Saint-Pierre de Rennes sont en chantier. Pas facile d’y voir grand-chose : les artisans travaillent à l’abri de bâche et de portes fermées par serrure à code.
« Une cathédrale est un éternel chantier », sourit Henry Masson, conservateur régional des monuments historiques. Toujours élégant, cet adepte de l’authentique nœud papillon escalade avec aisance les échafaudages d’un édifice qu’il connaît comme sa poche. À six mètres au-dessus du sol, après avoir grimpé à des petites échelles et soulevé deux trappes, on se retrouve à un cheveu de la voûte de la chapelle sud.
C’est ici qu’était entreposé comme un simple autel un splendide retable flamand du XVIe siècle dont la restauration s’achève à Vesoul (Franche-Comté). Dans les hauteurs de cette chapelle, Julien Labarre, peintre à l’atelier nantais Arthema, un spécialiste de la restauration du patrimoine, tente de contrarier les agressions du temps qui passe. « Il fallait faire de rebouchage sur toutes les parties abîmées, explique-t-il. J’ai aussi commencé à retoucher les décors. Ici, ce sont des caissons simples avec des filets dorés ».
Le plafond devrait retrouver une teinte ocre. Une question à trancher en réunion de chantier : faut-il peindre des ornements dans les caissons ? Comme ceux dans la chapelle nord, sa « sœur jumelle ». Ce serait cohérent. À quoi ressemblent ces ornements à motifs floraux ? Retour au plancher des vaches, et traversée de la nef pour les juger de visu dans la chapelle jumelle, côté nord.
« J’ai déjà nettoyé certaines des couches picturales, avant de le renforcer avec une colle spécifique pour maintenir les écailles », décrit Aude Rebours, qui travaille pour l’atelier de restauration de Géraldine Fray, implanté à la Croix Helléan, près de Josselin, dans le Morbihan.
À ses côtés, sur la plateforme supérieure de l’échafaudage, Valentine Hurin, peintre en décors, jeune diplômée de l’école de publicité et d’arts graphiques Pivaut, de Nantes. « On trouve sur le territoire régional la plupart des artisans et des savoir-faire indispensables à ce type de chantier. C’est une véritable richesse », souligne Henry Masson. Du vert tendre, du rouge, des dorures… Sur les murs de la chapelle, certains des motifs, quasiment invisibles depuis le sol, ont déjà retrouvé une nouvelle jeunesse. Une splendeur. « Ce serait cohérent d’en reproduire dans la chapelle sud… »
Splendeur. C’est tout ce qui devrait venir à la bouche des visiteurs, dans quelques mois, quand ils franchiront l’entrée de la future salle du trésor. Pour le moment, c’est encore un sacré chantier. « Le trésor de la cathédrale sera exposé et accessible en permanence pendant les heures d’ouverture de la cathédrale », indique Henry Masson.
Ce sera dans la sacristie nord de la cathédrale. « Cet endroit était utilisé pour la préparation des fleurs dans la cathédrale et pour du stockage. L’endroit a été vidé de tous ces aménagements. » Il ne reste effectivement plus rien.
Le plancher a aussi été totalement retiré, dégageant une voûte. « C’est celle d’une simple cave, juste en dessous », confirme Carl Ulrich Daumann, chef d’équipe sur le chantier pour l’entreprise de maçonnerie Joubrel, implantée à La Mézière. Un petit escalier permet d’y descendre. Rien à y voir, sauf un petit panneau jaune, posé sur un mur mentionné comme vestige de la deuxième cathédrale du XIIe au XIVe siècles.
L’essentiel sera donc à l’étage. « Le retable flamand restauré sera installé sur le mur sud. Il y aura ainsi suffisamment de profondeur pour que le visiteur puisse le découvrir dans les meilleures conditions, décrit le conservateur régional des monuments historiques. Sur les murs, de chaque côté, seront posées des vitrines sécurisées dans lesquelles seront exposées les pièces constitutives du trésor de la cathédrale. Essentiellement des pièces d’orfèvrerie et des vêtements liturgiques qui resteront à la disposition du clergé. »
Quatre statues monumentales d’environ 4 mètres orneront aussi les pendentifs de la coupole du transept de la cathédrale Saint-Pierre, en fin d’année.
Pour le moment, elles finissent de sécher en Italie, près de Naples, dans l’atelier d’un artiste de Vietri-sul-Mare. Dès février, leur créateur, l’artiste Laurent Esquerré, y a posé ses valises, pour rejoindre et travailler avec Vincenzo Santoriello. « Les Quatre vivants », c’est le nom de cette œuvre choisie par le diocèse de Rennes. Quatre représentations des quatre évangélistes qui parachèveront la cathédrale : l’Homme pour saint Matthieu, le lion pour saint Marc, le taureau pour saint Luc et l’aigle pour saint Jean.
L’inspiration a parfois pris des voies étonnantes. « Le symbole de l’évangéliste Marc est le lion. L’animal, je l’ai trouvé au cirque d’hiver Bouglione, à Paris ! », explique Laurent Esquerré. À l’entracte du spectacle, il va voir le dompteur. L’idée, originale, plaît. L’artiste revient et va passer trois heures à brosser le portrait du fauve. Un animal qui était déjà sanctifié, « il avait déjà été béni par Benoit XVI ! ».
Pour les autres, Thomas Esquerré croque le portrait d’un artiste italien, d’un modèle parisien… Et à chaque fois, une fois les traits du modèle dans la tête, c’est une vraie épreuve physique qui l’attend pour modeler l’argile. « Dans la réalisation, je travaille rapidement, parce qu’il y a eu un important travail en amont, explique Thomas Esquerré. Ensuite, je boxe la matière, je la tranche à la machette. C’est un choc frontal. Je suis généralement monté sur une plateforme, à six mètres du sol, pour approcher de ce que verra le public quand les statues seront en place dans la cathédrale. »
En séchant, les créations laisseront la couleur de terre pour virer au rosé. « En séchant, elles se tasseront un peu, leur poids respectif sera entre 400 et 600 kg ».À la rentrée, il sera ensuite procédé à la découpe, les Quatre vivants seront découpés en morceaux pour quitter Vietri-sul-Mare, direction Rennes. Ce sera le cadeau de Noël des paroissiens de Saint-Pierre.
Une grande inauguration aura lieu en début d’année 2019, qui mettra aussi à l’honneur les chapelles restaurées, le retour d’un retable flamand du XVIe siècle entièrement restauré et l’ouverture dans la sacristie nord de l’exposition permanente du trésor de la cathédrale.
L’autre événement des prochains mois à la cathédrale Saint-Pierre de Rennes sera le retour du retable flamand du XVIe siècle, un chef-d’œuvre presque « oublié » pendant des années dans la chapelle sud la plus proche du transept.
La restauration est financée par la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) de Bretagne. Une enveloppe de 160 000 € pour redonner tout son éclat à cette œuvre classée au titre des Monuments historiques en 1901.« Le retable était devenu comme un autel de chapelle, rappelle Henry Masson, conservateur régional des monuments historiques. En 2007, deux de ses éléments ont été dérobés et retrouvés plusieurs mois plus tard à Anvers, puis restitués au diocèse. » Un larcin qui fut presque une bénédiction pour cette imposante pièce de quatre mètres de hauteur : quitte à restaurer les pièces volées, autant en profiter pour redonner une nouvelle vie au retable tout entier.
« Une étude a été menée il y a six ans, autour d’un comité scientifique d’une dizaine de spécialistes. Le retable a quitté la cathédrale il y a deux ans et demi pour rejoindre l’atelier du centre régional de restauration et de conservation des œuvres d’art de Vesoul (Haute-Saône), rappelle Henry Masson. Nous y sommes allés il y a deux mois. Le travail est aujourd’hui presque terminé. La restauration a permis de remettre en valeur la polychromie et les dorures d’origine. »Les photos prises par les services de la Drac montrent la finesse des détails, un véritable travail d’orfèvre sur bois.
« La structure du retable était en mauvais état. Celle-ci avait été faite à Anvers avec une essence de chêne à croissance lente. Il fallait donc retrouver un bois aux propriétés identiques pour réaliser une greffe, explique le conservateur régional des Monuments historiques. C’est indispensable car le bois travaille avec le temps. L’atelier de Vesoul a retrouvé dans ses réserves du chêne à croissance lente qu’ils ont pu débiter pour réussir cette greffe. »Quand ce retable flamand reviendra à Rennes, d’ici la fin de l’année, il sera même plus complet qu’à l’origine. « Des morceaux du retable ont été retrouvés au musée des Beaux-Arts de Rennes, mais aussi au musée national du Moyen-Age de Cluny, et en Auvergne. » Le retable sera alors installé dans la sacristie nord de la cathédrale Saint-Pierre. Celle-ci, actuellement en chantier, abritera l’exposition permanente du trésor de la cathédrale. Une publication scientifique dédiée au retable est en préparation, elle devrait être présentée cet hiver.
Les grandes dates du retable
1515-1525. C’est la datation attestée du retable de la cathédrale de Rennes. À la fin du XVe siècle et au début du XVIe siècle, Anvers est le centre de production de grands retables sculptés en bois polychromé exportés en Europe.
1845. Le retable est retrouvé dans les combles de l’évêché du palais Saint-Melaine. Il avait été déménagé pendant la première moitié du XIXe siècle, pendant la reconstruction de la cathédrale qu’il rejoindra en 1872.
1901. Par un arrêté, le retable est classé au titre des Monuments historiques.
1975 et 2007. Plusieurs reliefs et éléments mobiliers sont volés.
2013. Entre juillet et novembre, une étude pour la restauration du retable est réalisée par le centre régional de restauration et de conservation des œuvres d’art de Vesoul.